Semper fidelis

Pour continuer le cours de latin du Boeki Center... ad libitum (ou... ad nauseam ?)

7.3.07

Le déserteur

Il existe une version du Déserteur, de Boris Vian, même en latin. la voici, extraite du site italien "Canzoni contra la guerra" :

MILITIAE PERFUGA
In Latinum sermonem vertit a Gallica lingua Richardus Venturi die XXIV mensis Augusti a.d.MMV p.Chr.n.


Domine, Rei Publicae dux!
Tibi epistulam scribo
quam leges, vel non leges
si tibi tempus est.
Vix mihi mandatum est,
mihique est persequendum
ut mererem stipendium:
nunc militandum est!
Domine, Rei Publicae dux,
sed militare nolo!
Ad homines caedendos
certe natus non sum.
Ne suscensueris, sed
tibi hoc dicere volo,
iam cepi meum consilium
militiamque perfugiam.

Et post natales meos
patrem mortuum vidi,
et fratres, qui abiere,
flentes domi pueros.
Tam multa passa est
mater; nunc in sepulcro
irridet tela et arma,
vermes nihil ei sunt.
Captivus cum essem
mulier mihi est abrepta,
anima mihi est abacta
totaque vita mea.
Quar’ multo mane cras
domi ostium percludam
ad praeteritos annos,
iterque inibo meum.

Panem mendico nunc
pererrans totam Galliam,
Armoricam, Arverniam
hoc clamans omnibus:
Oboedienda non sunt
mandata, nec servanda!
Militia est deneganda,
bellum opprobrium est.
Cruor si effunditur,
Domine, effunde tuum!
O dux Rei Publicae,
animo simulator!
Cum persecutus sim
mandate praetorianis
ut telis me perfoderent,
telum mihi non erit.

La version française est ici

1.1.07

盲人の国では…

Il existe un beau site de locutions latines. Il s'appelle simplement Locutio et on le trouve ici : http://www.locutio.com/.

Voici une de ces locutions :
In terra caecorum monoculus rex. (Proverbe)

Elle se découpe ainsi :
(In terra caecorum) / (monoculus /rex)

•Terra
renvoie à, au moins, trois notions contigües qui correspondent au japonais 土, 地所/国 et 地球.
Caecorum (génitif pluriel) se retrouve dans le français cécité (le fait d'être aveugle).
Il s'agit donc de la terre des aveugles, du pays des aveugles, souvent traduit par royaume des aveugles.
• In + ablatif indique le lieu sans mouvement. Au royaume des aveugles

Poursuivons.
Monoculus se décompose facilement : mono (un seul), oculus (oeil). Mais à quoi cet oeil unique renvoie-t-il ? Il ne s'agit pas de l'instrument (monocle) mais des personnes qui n'ont qu'un seul oeil : pas les cyclopes, mais les borgnes.Rex est bien connu : le roi.

D'après le Petit Royal : Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois《諺》盲人の国では片目の人も王様(鳥なき里のこうもり

A noter que le singulier latin (monoculus, rex) se traduit en français par un pluriel.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois
Le singulier français nous dirigerait soit vers une abstraction (le borgne = la qualité d'être borgne), soit vers un savoir préconstruit (dans chaque royaume d'aveugles il y aurait un borgne). En évitant ces interprétations, le pluriel signifie : ceux qui sont borgnes (personnes physiques, indépendamment de leur nombre et de leurs qualités autres que celle d'être borgnes).
Être aveugle, borgne, roi
s'entend ici de manière métaphorique : être ignorant, demi-savant, être puissant.

7.11.06

Qui gardera les gardiens ? Qui nous gardera des gardiens ?

"La police nous protège ? Qui nous protège de la police ?"
C'est le titre d'un article du site Résistons ensemble
qui recense les faits de violence policière.
Ce titre est une adaptation de la phrase de Juvénal (Phrase CLVIII dans notre liste du dernier cours) :
Quis custodiet ipsos custodes ? (Qui gardera les gardiens ?)
*
Au passage, le titre français est l'occasion de bien différencier : protéger quelqu'un de se protéger de quelqu'un.
*
Wikipédia nous apprend :
Juvénal (en latin Decimus Iunius Iuuenalis) était un poète satirique latin de la fin du Ier siècle et du début du IIe siècle de notre ère. Il est l'auteur de seize « satires » rassemblées dans un livre unique et composées entre 90 et 127.
On nous dit aussi :
Juvénal fait de ses contemporains une peinture acerbe et sans pitié. C'est un monde sur lequel difficile est saturam non scribere. (Satires, I-30)
difficile est saturam non scribere : il est difficile de ne pas écrire de satires.

1.10.06

Mea culpa

Mea culpa, mea maxima culpa : c'est ma faute, c'est ma très grande faute.
Fait partie de la liturgie catholique, donc très connue, comme expression latine.

Culpa, ae : la faute. De là, en français : coupable, culpabilité (le fait d'être coupable), culpabiliser (faire penser à quelqu'un qu'il est coupable de quelque chose).

Culpa est féminin, première déclinaison, donc le déterminant possessif (meus, mea, meum) est à la forme mea.

Maxima est la forme féminin de maximus, qui est superlatif de magnus, a, um : grande.

16.5.06

Amicus certus in re incerta cernitur

Amicus certus in re incerta cernitur est devenu en français le proverbe : C'est dans le malheur (ou dans le besoin) qu'on reconnaît ses amis.

Littéralement : L'ami sûr (amicus certus) est discerné (cernitur) dans la chose (circonstance) incertaine (in re incerta).

Amicus
est le nominatif singulier de AMICUS, I, masculin, 2è déclinaison des noms en US,I

Certus
est le nominatif singulier masculin de CERTUS, A, UM.
Il a le sens de : certain (être de confiance), sûr, indubitable


Re
est l'ablatif singulier de RES, EI, féminin, 5è déclinaison des noms.

Incerta
est l'ablatif singulier féminin de INCERTUS, A, UM
au sens de incertain (qui n'est pas précis, pas fixé) ou qui n'est pas certain (sur quoi on n'a pas de certitude)

Cernitur est la 3è personne singulier présent indicatif passif de CERNO, IS, ERE, CREVI, CRETUM, transitif, qui siginifie :
discerner v. t : distinguer, reconnaître par la vue
distinguer v. t : (discerner, reconnaître nettement), percevoir avec netteté.

24.4.06

I - A bove ante, ab asino retro, a stulto

Aujourd'hui, la première de nos expressions :
A bove ante, ab asino retro, a stulto
undique caveto : Prends garde au bœuf par devant, à l'âne par derrière, à l'imbécile par tous les côtés.

A et ab
remarquez A bove et ab asino.
a (ab, abs) + abl., prép. (a devant une consonne, ab devant une consonne ou une voyelle, abs devant t)
Devant une voyelle a devient ab. A marque l'origine et est suivi de l'ablatif (bos, bovis ; asinus, i).
bos, bovis, m. f. : - 1 - boeuf, vache (au plur : boves, boum, bobus ou bubus)
Littéralement : Du boeuf vous vous méfierez par devant (à cause des cornes), de l'âne par derrière (à cause des coups de pieds) et de l'imbécile par tous les côtés.
Le boeuf, l'âne et l'imbécile sont l'origine de blessures possibles, ce qui explique l'emploi de l'ablatif.

Impératif
M. Inoue nous a appris que la forme caveto est un impératif futur. La forme impératif futur n'existe pas en français. L'impératif présent convient aux ordres et conseils dans le présent immédiat et dans le futur (Va-t-en tout de suite ! Quand tu seras au Japon, va à Kyoto). Mais le futur simple peut avoir valeur d'impératif (expression d'un ordre) : Monsieur, vous êtes renvoyé, vous passerez chercher votre salaire demain !

Vous vous souvenez de cave canem (prends garde au chien : impératif présent singulier) . L'impératif présent s'adressant à pluieurs autres personnes serait cavete.
Rappelez-vous : Avete, amici amicaeque ! et Salvete amici et amicae !

Ante et retro
Ante signifie devant. D'où antérieur, antécédent (qui arrive avant, ce qu'on a fait avant)...
Antépénultième se décompose ainsi :
Anté-pén-ult-ième.
ulti = ultime, dernier
ème = suffixe d'adjectif (comme dans deuxième)
pén = presque (comme dans péninsule, c'est-à-dire presqu'île, 半島)
Antépénultième signifie ainsi : avant avant-dernier.

On a parlé plusieurs fois de retro : Vade retro Satanas (arrière, Satan !), rétroviseur, rétrograder...

Boeuf
De bovem, le français a fait boeuf, bovin (qui a un rapport avec les boeufs, les vaches...), bouvier... Remarquez que le o latin devient eu ou ou (formation populaire), ou bien reste o (formation savante)

30.3.06

CXXX - Omnis homo mendax

Menteuses, menteurs, bonjour !
Tout homme est menteur ! Attention mesdames, il s'agit de l'homme-homo (donc vous aussi !) et non pas seulement de l'homme-vir. C'est sur homo qu'est construit l'adjectif humanus (errare humanum est).
homme n. m
être humain
homme HOMO, INIS, m
être humain de sexe masculin
homme (opposé à femme) VIR, I, m
Mendax est à la fois adjectif et nom. Dans notre phrase, il est adjectif.






(Au passage, voici un autre proverbe Mendacem memorem esse oportet : "le menteur doit avoir une bonne mémoire". Ici, mendacem est un nom. Oportet est toujours à la 3è personne du singulier. C'est l'équivalent de notre il faut).
OPORTET, ERE, TUIT
sens commun
il faut (devoir absolu, obligation)
construction
EX MALIS ELIGERE MINIMA OPORTET (Cicéron)
"de deux maux, il faut choisir le moindre"
Le on français vient de homo.

Les hommes (otoko) sont menteurs !
Mais il existe dans la littérature française une tirade célèbre qui commence par "tous les hommes sont menteurs", et là il s'agit bien des hommes 男. C'est à la scène 5 de l'acte II de On ne badine pas avec l'amour, la pièce d'Alferd de Musset (1834). Voici l'extrait en question :
"Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui."
Tout homme ou tous les hommes ?
Il y a une nuance entre ces deux constructions. Tout homme (au singulier) est plus abstrait : il est dans la nature de l'homme (idéal, abstrait, général) d'être menteur donc tous les hommes (chaque homme, tous les hommes) sont menteurs.

27.3.06

CXX - Nunc est bibendum

Bonjour, à votre santé !



Ce blog continue le cours du Boeki Center, plus particulièrement la liste des 213 phrases, proverbes, expressions, citations latines du dernier cours.

Je voudrais y noter des commentaires sur ces phrases. Vous pourrez bien sûr ajouter vos propres remarques ou poser des questions - soit en cliquant sur "comments" en bas de chaque page, soit en m'envoyant un mail.

Reprenons aujourd'hui le numéro CXX (70), Nunc est bibendum, par lequel on a terminé le cours, et qu'on peut traduire par "maintenant, buvons" (c'est presque 乾杯).
Nunc est bibendum est extrait d'une ode (forme de poème) du poète Horace écrite pour célébrer la fin victorieuse de la bataille d'Actium où les Romains (commandés par Octave, le neveu de Jules César) ont vaincu Cléopâtre et Marc-Antoine en 31 av. J-C. Vous pouvez lire la traduction complète de cette ode sur une page du site de l'académie de Versailles. Le sens général est le suivant : Maintenant nous pouvons boire car nous avons vaincu. Avant, cela aurait été indécent de boire car Rome était en danger.
Vous connaissez déjà nunc, qui signifie "maintenant" et qu'on a rencontré dans l'expression hic et nunc, "ici et maintenant".

Bibendum est une forme du verbe boire qu'on appelle "adjectif verbal". Adjectif par sa forme et son emploi mais toujours issu d'un verbe.

(Vous pouvez cliquer sur le tableau pour l'agrandir).

Littéralement, maintenant, il est devant être bu, donc maintenant c'est le moment de boire, maintenant il faut boire.


Les formes du verbe boire sont bibo, bibis, bibere, bibi, potum (ou bibitum)
Au supin, le verbe a deux formes : bibitum (peu employé) et potum.
C'est de la forme potum que vient "l'eau potable" (l'eau qui peut être bue). Et aussi (par l'intermédiare de potio, onis, f. : - a - action de boire; boisson, breuvage. - b - potion, drogue. - c - poison. - d - philtre) la potion et le poison.

L'empereur romain Tibère (qui aimait boire) était surnommé Biberius, ii.

De la racine de bibere, vient le mot français biberon (ci-dessus) et le célèbre Bibendum Michelin (ci-contre). Ou encore le verbe imbiber.

Les formes en -andus, a, um ou endus, a, um ont le sens de devoir être fait. Ainsi un agenda est fait pour noter les choses qu'on doit faire, les choses à faire.

La forme française à + infinitif a ce sens de devoir être, étant prévu... L'avenir est ce qui est à venir, ce qui doit arriver.

J'ai
des choses à faire, du travail à terminer, des lettres à écrire, des amis à voir, des médicaments à prendre, du linge à repasser...

Voilà pour aujourd'hui. À bientôt pour la suite.

En attendant vous pouvez cliquer sur les liens à droite, vous pouvez -pourquoi pas- lire les nouvelles (nuntii) en latin. Par exemple, cet article sur les manifestations en France contre le CPE : Qui veut essayer de le traduire ?